Les conflits entre frères et surs: Une question d’affinité et de caractère
Tunis-Le Quotidien
La relation entre frères et surs semble battre de l’aile chez de nombreuses familles. Favoritisme des parents et comportements machistes des frangins semblent être les principales causes des tensions. Mais pour les uns comme pour les autres, l’amour fraternel reste le point commun de tous. Frères et surs continuent à s’aimer, même s’ils ne s’entendent pas. Certains semblent considérer leurs surettes comme de vraies alliées et vice-versa. Même entre garçons ou entre filles certains conflits peuvent mettre la relation fraternelle sous tensions. Normal, puisqu’ils ont un âge proche, que leurs intérêts ne sont pas toujours convergents. Sauf qu’ils continuent tous à s’aimer en dépit des désaccords qui peuvent avoir lieu. Dans une époque lointaine, les filles étaient perçues comme des êtres de second rang qui doivent être placées sous la tutelle masculine du père, du frère et ensuite du mari Evolution des mentalités et des murs aidant, ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque les filles sont autant les bienvenues dans leurs familles que les garçons et qu’elles se sont émancipées de cette autorité poussée à l’extrême. Toutefois, certains parents continuent à leur donner moins de droits par rapport à leurs enfants de sexe mâle. Et indépendamment des sentiments équitablement éprouvés par les parents, la gent masculine semble avoir une plus grande marge de liberté et bien plus de droits que leurs surs. Ce traitement de faveur est mal accepté par la majorité des demoiselles d’autant plus que leurs frères s’immiscent continuellement dans leurs affaires personnelles. La majorité des jeunes filles assimilent ce genre de comportement « machiste », à des résidus d’une mentalité qui est désuète depuis bien longtemps. Ces «injustices » se répercutent automatiquement sur la relation frère-sur. Mais même si elles jouissent des mêmes droits que leurs frères, elles préfèrent se confier à leurs frangines qui les comprennent beaucoup mieux. Sauf que même entre surs, il est très probable que des ressentiments aient lieu. Il suffit que l’une ou l’autre dépasse les limites en matière d’indiscrétion. Idem pour les garçons. D’ailleurs, s’ils ont une confidence à faire, ils préfèrent frapper à d’autres portes loin des frères et des surs. Témoignages.
* Samar, candidate au bac, 20 ans, n’a qu’un petit frère. C’est le benjamin et le chouchou de toute la famille. En revanche, c’est avec ses surs que les choses ne vont pas toujours comme elle l’espère. « J’ai trois surs. Certes, je les aime toutes mais il y a des hauts et des bas dans notre relation. Ma sur aînée a un tempérament difficile. La plupart du temps nous sommes en conflit à cause de futilités. Elle se met dans tous ses états si je mets l’un de ses vêtements. En revanche, elle se permet d’utiliser toutes mes affaires et de porter mes habits sans gêne parce qu’elle a trois petites années de plus que moi ! Et le comble, c’est qu’il suffit que je ne me plie pas à ses ordres pour qu’elle aille me dénoncer à ma mère. Mais je m’accorde à dire que ce sont des disputes puériles et insignifiantes, car au fond nous nous aimons beaucoup. Il suffit qu’un malheur arrive à l’une pour que les autres soient tristes. Quant à mon frère, il est encore trop petit pour poser problème », dit-elle.
* Myriam, candidate au bac, 19 ans, a quatre surs. Tout comme Samar, elle reconnaît que sa relation avec ses surs évolue en dents de scie. « J’ai une préférence pour ma sur qui est née juste avant moi. Elle a deux années de plus et notre âge très proche crée des affinités entre nous. C’est ma confidente et ma complice, mais cela ne veut pas dire que je n’aime pas les autres. Il est difficile de dire qu’on préfère l’une ou l’autre. Elles sont toutes mes surs et je les aime toutes kif-kif. Mais je peux m’entendre avec l’une plus que l’autre. Ma sur aînée se prend toujours pour ma mère. Elle m’interdit de sortir, fourre son nez dans les moindres détails de ma vie et m’oblige à suivre ses ordres à la lettre. Elle ne permet à aucune d’entre nous de placer un seul petit mot et devient furieuse si on essaye de s’immiscer dans ses affaires. Entre surs, il peut y avoir des problèmes de jalousie, des désaccords à cause des habits, mais cela ne va pas jusqu’à affecter notre amour les unes pour les autres », dit-elle.
* Rania, 19 ans, candidate au bac, a trois frères et deux surs. Elle s’entend beaucoup avec ses surs. Avec les garçons, il existe certaines tensions. « Je vis dans une famille encore très attachée à ses racines arabes. Je suis la benjamine, tous mes frères et même mes surs se donnent par conséquent le droit de regard sur ma vie privée . C’est comme si j’avais plusieurs pères à la fois. Mon frère aîné m’a toujours à l’il. Il peut m’interdire de sortir, et me détermine une heure fixe pour rentrer, etc. Il faut dire que mes parents appartiennent à l’ancienne école. Je vis au sein d’une famille très conservatrice et je n’ai jamais vu cette manière d’éduquer exagérément sévère ou encore accablante. Je sais qu’on me couve parce qu’on a peur pour moi et je dois être docile et obéissante parce que je sais que c’est pour mon bien. Entre surs, il nous arrive d’être en parfaite harmonie et c’est à mes surs que je me confie puisque les frères sont assez rudes pour prêter une ouïe attentive et écouter mes soucis. Mais il arrive également qu’on se chamaille pour des habits, pour des produits de toilette ou même pour le programme de télé. Ce sont des choses infimes et sans importance. Même s’il y a des tensions entre mes frères et surs et moi, nous nous aimons et nous nous respectons», dit-elle.
* Imed, étudiant, 19 ans, n’a qu’une sur. Et chacun vit librement et ne s’occupe pas des affaires de l’autre. « Nous sommes en accord ma sur et moi parce que ce sont mes parents qui gèrent tout et qui instaurent les règles. A mon avis, aucun ne doit s’immiscer dans les affaires des autres. Le fait que les parents donnent le feu vert à l’un de leurs enfants pour faire la police est à mon sens une faute monumentale. Cela crée des susceptibilités et donne l’impression qu’on est mal aimé ou du moins qu’il y a du favoritisme. Et ce genre de choses laisse une place à la jalousie, à la rancune et aux conflits. Chez moi, seuls les parents ont le droit de tout savoir et de s’immiscer dans nos affaires et cela réduit les tensions. J’aime ma sur, c’est sûr, mais je ne sais pas grand-chose sur elle d’autant plus que c’est une fille et on n’a pas beaucoup de choses en commun. Chacun d’entre nous est libre de faire ce qu’il veut. Mais cela ne veut pas dire que je me désintéresse de ce qu’elle peut vivre. Si elle me demande de l’aider, je le ferai sûrement et je suis sûr qu’elle en fera de même », dit-il.
* Achraf, élève, 17 ans, n’a qu’un frère. Sa relation avec son frangin semble aussi calme et stable. « Nous sommes en accord parce qu’on se respecte. Mes parents s’occupent des lois et des ordres. Quant à nous deux, on est copains, on se confie de temps à autre et il nous arrive de discuter d’un problème. C’est une relation stable, mais nous ne sommes pas très proches. Mais si l’un a besoin de l’autre, il le trouvera sûrement prêt à lui tendre la main», dit-il.
Abir CHEMLI