Ballet Opéra de Kiev à Carthage : L’ivresse de la passion et le vertige du perpétuel mouvement
Le ballet opéra de Kiev, qui était des nôtres le soir du mercredi dernier, est une valeur sûre de la danse classique, car faisant remonter la tradition de cette danse au 19e siècle. Autre chiffre révélateur, c’est pour la troisième fois que l’uvre de Tchaïkovski, «Le Lac des cygnes», se donne en Tunisie après deux dates phares, celles de 1968 et de 1976. Ici, le raffinement exquis et les infinis méandres et mouvements du sentiment viennent nimber d’un halo mystérieux la gestuelle fluide et ténue des danseurs. En fait, c’est l’histoire d’une princesse qui subit le sort d’un méchant sorcier et se fait aider par son amoureux, le prince charmant au cur brisé Le spectacle avait, en effet, la propriété de faire un éloge de la passion à travers la magie de la danse et la poésie du mouvement. Virevoltes et élans, échappées et désarrois : le tout traduit les courses-poursuites haletantes de la force du bien et du mal. Tout finit bien : l’Amour triomphe, mais cela ne se fait pas sans s’être déchiré dans un mouvement de corps où les danseurs, les amoureux notamment, s’attirent et se repoussent, s’assemblent et s’éparpillent. Telle est la passion, tout à la fois compacte et diffuse et tout aussi éphémère, douce et brûlante, inexplicable. Les danseurs exaltés dansent tour à tour la confusion du corps, sa souffrance et son extase. Ils ont l’émotion communicative qui se voit, notamment dans la danse du prince et de la princesse (la danseuse étoile) qui suscite immédiatement une totale adhésion. Ici le corps humain est en devenir, en devenir vrai contre la force du mal...
Ce qui mérite d’être relevé aussi, c’est que dans ce spectacle, il y a un retour aux sources, à ce qui fait l’essence même d’une danse d’opéra, telle qu’on l’aime, élégante, rigoureuse, tenue et précise. Aussi bien le faste des costumes est-il un véritable plaisir pour les yeux. Il est mis en uvre surtout par un jeu d’ombres et de lumières et de passages entre clair obscur dans les quatre actes du spectacle. Le public, qui s’était donné les frissons d’un moment de plaisir, s’est détaché du tumulte de la vie mondaine le temps d’une allégorie d’images parfaites et synchrones.
Mona BEN GAMRA