Enigme à Kébili : Calvaire d’un puits hors la loi
Qu’est-ce qui est autorisé à vivre mais auquel on interdit son eau? C’est un champ de jeunes palmiers- dattiers et ça se passe dans la région dite Guidma, délégation d’El Faouar, gouvernorat de Kébili.
On est un jeune promoteur agricole, modeste. On s’appelle Boubaker Fitouri, on veut faire dans le licite en montant un projet dont la valeur dépasse les 150 mille dinars et on acquiert un lopin de 12 hectares dont on plante 2 ha de jeunes palmiers dans l’espoir de faire du maraîcher dans le reste et du fourrage pour l’élevage. On se taille en quatre à préparer son dossier, emporté par cet espoir exaltant de vivre, de faire vivre et de contribuer au développement socio-économique et environnemental de la région.
Un veto insoupçonné
Une société spécialisée d’études a effectué en décembre 2010 une étude technico-économique de ce projet agricole intégré de la société agricole en question.
Lorsque tout semble être en ordre, les autorités compétentes, comme il est d’usage de le dire, opposent brusquement au projet un veto insoupçonné: impossible d’apposer leur accord au projet puisque le point d’eau à devoir y puiser s’avère être un puits « anarchique » que quelques riverains utilisent en commun depuis une quinzaine d’années
C’est-à-dire avant que M. Fitouri n’acquière l’objet de son espoir.
Il aura beau se déplacer, écrire et demander audience. Rien n’y fit et pas (encore) question de régulariser ce point d’eau. A défaut de creuser un autre puits «canonique », son espoir est sur le point de mourir de
soif.
Cascade
Voilà déjà près de deux longues années que M. Fitouri est tenu en haleine par les tracasseries bureaucratiques à des niveaux différents. Il a frappé dignement à toutes les portes et ne trouve jusqu’ici qu’un incompréhensible blocage.
Une intense messagerie à différents niveaux reflète les efforts fournis, que ce soit pour jouir des avantages donnés aux nouveaux promoteurs tels que définis par l’Etat ainsi que pour jouir de l’eau de la source décrétée sauvage et pourtant partagée depuis plus de 15 années par les agriculteurs riverains. Parmi les destinataires de cette messagerie, on relève: l’agence de promotion des investissements agricoles APIA ; la direction générale des ressources hydrauliques ; la cellule de soutien aux investisseurs auprès du premier ministère ; le ministère du développement régional ; la délégation régionale du développement agricole de Kébili ; la BFPBME pour le financement du projet de la Société agricole (
), et pour entamer l’évaluation de son projet, cette banque a demandé à l’intéressé de lui fournir certains documents dont une analyse du sol site du projet, caractéristiques techniques de la source d’eau à exploiter
et comme l’a exigé la BFPME, une demande de financement auprès d’une banque commerciale qui fut adressée à l’agence de la BH de Kheireddine Pacha à Tunis. Seulement, la BFPME, en date du 21/09/2010, «a décidé de ne pas donner suite favorable à votre demande de financement et ce après avoir émis des réserves quant aux choix techniques et à la rentabilité du projet tel que présenté». Traduire : le financement du projet est refusé à cause de la fatidique source d’eau.
Retour à la source
Comme les réponses des différentes administrations étaient plutôt négatives avant la révolution, une requête d’utilisation d’une source d’eau pour l’agriculture est parvenue le 9/2/2011 au Premier ministère en fin de compte qui a répondu à l’intéressé en date du 7/3/2011 l’informant que la requête a été envoyée au ministère de l’agriculture et de l’environnement sous le numéro 201102744 en date du 3/3/2011. Retour donc à la case départ et les directions du contentieux et des ressources hydriques seront naturellement saisies, en espérant une issue meilleure à cette nouvelle énigme du Sphinx.
Et puis enfin non, ce n’est pas là une fable de La Fontaine que cette histoire d’interdiction d’utiliser la source de Guidma, du moment que tout un pays a retrouvé sa voie pour la dignité et la justice et a proclamé sa détermination à changer même les textes fondamentaux de l’Etat afin de concrétiser le salut du peuple tunisien qui est la suprême loi.
Quand l’agriculture va, tout va
On appelle à une résolution intelligible des problèmes des lots agricoles établis et productifs, ce qui est à même de servir les causes de la lutte contre la pauvreté, la désertification et la promotion de la production agricole et de la mise en valeur des sols dans une optique de développement global.
Des habitants de ces contrées avancent que Kébili regorge de pas moins de 13 mille hectares de terres arables travaillées et qu’il existerait quelque 4200 dossiers d’agriculteurs et de jeunes promoteurs qui ont des parcelles plus ou moins grandes et qui aspirent vivement à une régularisation d’urgence. Dans la région de Guidma, une trentaine d’agriculteurs sur près de 500 hectares utiliseraient, selon nos sources, de l’eau sans autorisation, par opposition aux périmètres irrigués aménagés par l’Etat au profit de quelques agriculteurs de la région. Ceux qui sont en dehors de ces périmètres sont actuellement sous le coup de l’illégalité et par conséquent n’ont pas accès aux subvention et encouragements de l’Etat.
Mounir BOUDALI